“Dans ce pays le ciel est bas. Semblable à une plaque de marbre, il vous écrase, vous maintient l’esprit au ras du sol. Il n’y a pas d’autre perspective que ce désert herbeux et sale où il pleut constamment tandis que l’air glacé charrie ses bourrasques de crachin. La végétation est plus triste qu’une journée sans pain : du gris, du vert sombre, du brun, et ce putain de vent qui ne s’arrête jamais.”
Thibaud Latil-Nicolas. Chevauche-Brumes.
J’ai tendance à penser que le premier paragraphe d’un roman donne le ton de l’histoire dans laquelle on va s’embarquer. Pour ma part je ne lis que très rarement les quatrièmes de couverture, qui parfois révèlent un peu trop l’intrigue du récit. Par contre, je lis très souvent la première phrase, les premiers paragraphes, voir le premier chapitre d’un livre afin de me décider à le poursuivre ou non, pour la bonne et simple raison que ces quelques mots sont inhérents à l’auteur et au monde qu’il a créé.
Lorsque j’ai lu les premières lignes de Chevauche-Brume, il est devenu évident que j’allais continuer et m’immerger dans ce récit car non seulement le style de l’auteur me plaisait mais aussi il y mettait en place une atmosphère bien précise.
Je trouve que l’ambiance retranscrite dans les récits est comme un cocon dans lequel le lecteur va se calfeutrer durant sa lecture. Et ici, elle est glaçante, inquiétante. Elle évoque la lassitude, la colère et la résignation… Elle nous entraîne rapidement au côté des personnages, nous donnant l’impression d’avancer péniblement avec eux.
Mais concrètement, de quoi parle ce roman ?
Une compagnie de soldats se retrouve envoyée en mission au nord du royaume afin d’enquêter sur la brume qui s’étale peu à peu vers le sud et combattre les créatures cauchemardesques et mortelles qui en sont issues. Alors que les sources de pouvoirs, desquelles les mages tirent leur magie, semblent se renforcer, le roi envoie mage, apprenti et escouade de guerrières doryactes rejoindre la compagnie afin de savoir si l’avancée de la brume meurtrière en est la cause.
Face à l’horreur et à leurs découvertes, ils devront allier leurs forces et leurs magie, ouvrir leur esprit, apprendre à s’accepter et à mettre leurs préjugés de côté.“L’art de la guerre est l’union de la logique, du pari, de la planification. Ce qui rôde dans nos champs et aux portes de nos villes aujourd’hui relève de l’occulte, de l’immonde. il faudra plus que des escadrons bardés de fer et des bouches à feu ivres de poudre pour l’emporter.”
Thibaud Latil-Nicolas. Chevauche-Brumes.
Mais du coup, qu’est ce que j’en ai pensé ?
Je dirai que globalement, j’ai aimé, mais ce roman, du moins ce premier tome, n’aura pas été un coup de cœur.
J’ai apprécié cette proximité avec les personnages, et pourtant il me manquait quelque chose pour réussir à être touchée. Il demeurait une sorte de distance entre eux et moi. Une impossibilité à compatir à leurs sorts ou à leurs pertes… (Pourtant j’ai la larme facile)
Quant à l’univers, il se révèle peu à peu (trop peu ?), l’auteur nous faisant découvrir son royaume et les pouvoirs en place au fil de l’histoire. Même chose pour la magie, on en apprend ici et là, mais il faut attendre la fin du livre pour en découvrir le potentiel. J’ai trouvé ça dommage puisqu’elle semblait avoir une place de choix dans l’intrigue. Puis arrive la fin de ce premier tome et on comprend que si l’auteur maintient une sorte de voile, c’est peut-être pour préserver le retournement final.Et on se rappelle qu’il s’agit d’une trilogie et que le premier tome sert généralement de tremplin pour la suite.
Cela dit, on ne peut lui enlever la qualité de son atmosphère.
Comme je le disais plus haut, je trouve que la force de ce roman se situe dans sa contextualité. Le “langage” de la guerre, la fraternité entre soldats, les ressentis, l’isolement, les rapprochements inattendus… Tout est là. Et on aime ça. On aime les suivre, un peu à distance, découvrir en même temps qu’eux, tapis derrière une porte, la réalité de leur monde.
Et c’est clairement ce qui fait que j’ai l’envie de rapidement poursuivre avec le second tome, Les Flots Sombres (rien que le titre me met l’eau à la bouche).
Titre : Chevauche-Brumes
Auteur : Thibaud Latil-Nicolas
Illustration de couverture : Alain Brion
Editions : Gallimard
Collection : Folio SF